vendredi, septembre 30, 2016

La problématique des big data pour l’Afrique

En se connectant sur l’internet chacun produit des données, et la tendance est qu’il y a de plus en plus de gens qui produisent des données. Selon l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (AFNIC), il y a plus de trois (3) milliards d’internautes, plus de deux (2) milliards d’utilisateurs des réseaux sociaux. Avec des taux de  pénétration de 81% en Amérique du Nord, de 78% en Europe de l’Ouest, de 18% en Afrique, 12% en Asie du Sud.
Les objets produisent également des données. Plus de 80 milliards de produits seront connectés d’ici 2020 selon l’IDATE. Les tuyaux produisent de la donnée, les prises électriques, les voitures, les téléphones, même les boites de conserve. Il se pose alors la problématique de la propriété, du stockage et de l’analyse des données.
L’on peut s’interroger sur l’appartenance des  données produites par milliards d’internautes chaque jour sur la toile ? Elles  n’appartiennent évidemment pas à leurs producteurs. Ceux-ci  y renoncent en contrepartie de l’utilisation gratuite des services internet. Qui a déjà pris la peine de lire intégralement les conditions générales d’utilisation de Google, Facebook, Twitter et autres ?  Dans ces conditions générales d’utilisation, Facebook par exemple prévoit qu’elle « peut être amenée à partager des informations concernant ses utilisateurs avec son groupe d’entreprise… ». 

Les défis

Or, ces différentes données, lorsqu’elles sont ordonnancées, classées et hiérarchisées, elles deviennent une information. Et l’information est un pouvoir. Le problème est qu’en Afrique, on produit les données, lesquelles données exploitées, deviennent une information et leur est vendue plus chère, en termes de services et autres.
Il est important de  mettre en place des datacenter, déjà quelques uns  se développent en Afrique (Afrique du Sud, mais aussi en Afrique du Nord, avec le plus gros datacenter africain en Tunisie, et plus récemment, Afrique de l’Ouest, avec le datacenter ivoirien d’orange, actuellement le plus important d’Afrique de l’Ouest. Relever les défis du génie civil, de l’énergie, de la climatisation, et de la connectivité.
Un autre défi, surtout pour l’Afrique est la capacité d’analyser autant des données produites. La bonne nouvelle est que des outils d’analyse comme Hadoop existent et est libre et gratuit. Il est important d’encourager les jeunes africains aux nouveaux métiers comme « data scientiste », qui représente un véritable débouché pour les jeunes.
La problématique de la gestion des big data en Afrique requiert la prise de conscience de tous, Etats, secteurs privé et société civile d’où il est urgent que des cadres réglementaires appropriés soient mis en place et que les personnes chargées d’appliquer les lois soient formées sur les problématiques de la protection des données et conduisent à rendre des arrêts comme arrêt Google Spain rendu en mai 2014, par lequel la Cour  de Justice de l’Union Européenne (CJUE) considère que l’exploitant d’un moteur de recherche est responsable du référencement des données personnelles apparaissant sur les pages Web publiées par des tiers et reconnait, sous certaines conditions, à la personne dont les données personnelles ont été indexées par le moteur de recherche un droit d’oubli, dont la mise en œuvre entraine l’effacement des liens hypertextes du moteur de recherche.

Roméo Mbengou


La participation de la société civile africaine dans les instances de gouvernance de l’internet

La gouvernance de l’internet est définie comme « l’élaboration et l’application par les Etats, le secteur privé et la société civile, chacun selon son rôle, de principes, normes, règles et procédures  de prise de décision et programme communs propres à modeler l’évolution et l’utilisation de l’internet ». Cette définition fait ressortir trois entités qui participent à la gouvernance de la toile : les Etats, les entreprises et la société civile. Cette dernière  entité regroupe l’ensemble des associations à non gouvernemental et à but non lucratif. Il s’agit donc de l’auto-organisation de la société en dehors de tout cadre institutionnel, administratif et commercial. On peut à cet effet, rencontrer la société civile en Europe qui porte la voix des utilisateurs finaux de l’internet en Europe, de la société civile américaine défendant les intérêts des utilisateurs finaux  américains. De la même manière qu’il existe une société civile africaine qui porte la voix des utilisateurs finaux de l’internet africain. La participation de la société civile africaine à la gouvernance de l’internet se fait par le biais  de sa présence dans la structure de la communauté ICANN.


Rôle d’ICANN

Il faut dire qu’au départ, ICANN était contestée  en tant que seul gouvernement avec le contrôle du réseau d’une part et d’autre part, elle était aussi accusée d’être une organisation américaine est largement contrôlée par les registres et registraires en majorité américains. Enfin, elle était aussi perçue comme une organisation qui défend le business de l’industrie du nom de domaine plus que l’intérêt public.  Pour montrer son engagement à défendre l’intérêt public, ICANN a créé une structure qui défend les intérêts des utilisateurs finaux de l’internet : At-Large qui sont des associations ou organisations juridiquement bien établies dans leurs pays respectifs et regroupés autour d’une organisation régionale des utilisateurs (RALO) dont AFRALO est pour  l’Afrique. Ainsi, il est encouragé aux organisations de la société civile africaine de faire partie de l’AFRALO pour faire entendre la voix de la société civile africaine.
Par ailleurs, la participation de la société civile est aussi encouragée au sein d’AFRINIC (African Network Information Center), le registre régional d’ICANN pour l’Afrique. Cette participation peut se faire en s’inscrivant aux mailing lists d’AFRINIC sur le lien http://afrinic.net/en/community/email-a-mailing-lists.

Roméo Mbengou





mardi, septembre 06, 2016

La Gouvernance de l’Internet, un sujet de politique internationale

Dans la même manière que la sécurité internationale, la lutte contre le changement climatique, le développement et autres sujets d’actualité, la gouvernance de l’internet est devenue un sujet de politique internationale. Plusieurs conférences et déclarations ont été à cet effet tenues. La tenue des sommets mondiaux de la société de l’information en 2003 et 2005, la conférence plénipotentiaire de l’ITU tenue à Antalya en Turquie en novembre 2006, les  principes sur la gouvernance d’Internet proposés par l’OCDE (Organisation de Coopération et de développement Economique), le Conseil de l’Europe, l’Union Européenne, le Brésil, et d’autres acteurs, le G8 de 2011 à Deauville (France) qui a traité du sujet sont quelques exemples qui attestent de l’ampleur de la question de la gouvernance de l’internet.


Par ailleurs, le contrôle de la technique et du fonctionnement de l’architecture de la toile mondiale est un sujet qui entre dans le cadre de la démocratisation des relations internationales. En raison de  la force de pénétration de l’Internet dans toutes les activités de la vie humaine, son contrôle est  devenu vital pour maintenir leur influence dans le monde. Dès lors, chaque Etat, notamment les grandes puissances comme les USA font tout pour avoir le contrôle de l’infrastructure des télécommunications, des standards techniques et des standards de contenu et d’applications. Au point où pour Emmanuel ADJOVI,  le système de noms de domaine (DNS) peut être perçu comme la nouvelle arme nucléaire.

En plus, le fait que les décisions de l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet en français est une société de droit Californien à but non lucratif créée en 1998 qui a pour principales missions d’administrer les ressources numériques d’internet telles les adresses IP et les noms de domaine de premier niveau ) impactent les politiques publiques. Il existe de nos jours une « tension entre les gouvernements nationaux et la gouvernance et la performance actuelle des processus de l’ICANN, par lesquels les gouvernements ont le sentiment de manquer d’influence sur des décisions de l’ICANN qui ont des conséquences en termes de politiques publiques relatives à internet».

Il a été constaté que beaucoup de décisions de l’ICANN ont des effets dans des domaines comme la propriété intellectuelle, la fiscalité, la protection de la vie privée, la cyber sécurité, la protection des consommateurs, que «les gouvernements abordent pour le compte de leurs citoyens au travers de législations nationales comme au travers de traités internationaux». Exemple du .wine et .vin dans le processus des nouveaux noms de domaine génériques (gTLD).
Etant devenu un sujet de politique internationale, toute les parties, tous les Etats y compris les Etats africains doivent  bâtir des stratégies pour faire entendre leurs voix et participer à sa gouvernance. Mais individuellement les Etats africains ne peuvent pas peser sérieusement dans les débats internationaux, sauf à servir de « métayers » politiques pour certains grands pays. Renforcer les compétences des organisations économiques régionales pour en faire les porte-voix et les porte-étendards des pays africains en matière de gouvernance internationale de l’Internet.

Conférer aux juridictions régionales des compétences de protection des données à caractère personnel et de la vie privée des citoyens de la communauté : exemple de la Cour de Justice de l’Union Européenne avec les décisions «Google Spain » et « Safe Harbor»




Roméo Mbengou

Les enjeux de la gouvernance de l’internet

L’internet est un bien commun mondial. Il réunit divers acteurs : les gouvernements, le secteur privé et la société civile ; avec des intérêts divergents voire contradictoires, sa gouvernance préoccupe toutes les parties prenantes. Ces préoccupations résultent des enjeux en cause. La formation des formateurs de la gouvernance de l’internet qui se déroule au Burkina-Faso depuis le 29 août à permis d’avoir un aperçu de ces enjeux de la gouvernance de l’internet. Ils sont aussi bien économiques que juridiques, sociaux, et politiques.

Sur Les enjeux économiques  résultent de ce que l’internet une formidable machine de croissance économique parce que la pratique économique d’internet est considérée comme efficace en raison de sa fonctionnalité et de ses couts abordables. L’internet permet aujourd’hui le développement des activités du commerce électronique, mais aussi le développement du contenu d’internet qui est un nouveau modèle d’entreprise basée sur la publicité. Le développement de l’économie d’accès à l’internet et les activités de paiement électronique. Toutefois, il faut éviter le risque de monopole des grands opérateurs d’internet et conduire à des distorsions du marché.

Juridiquement, la gouvernance de l’internet pose la problématique de la règlementation applicable sur la toile. Entre adopter des nouvelles règles de droit ou appliquer celles en vigueur dans le monde réel, il se pose des problèmes de la portée des lois nationales, de la juridiction applicable, de la protection des droits de la propriété intellectuelle, de la lutte contre la cybercriminalité et de la protection de la vie privée et des données personnelles.
Du point de vue politique, l’internet devient un moyen de domination politique. En effet, avoir le contrôle des infrastructures et standards de l’internet, permet de « dicter sa loi sur internet ».

Les enjeux sont aussi sociaux et culturels en ce sens que l’internet a un impact considérable sur le tissu social et culturel de la société moderne. Il est à cet effet difficile de trouver un aspect de notre vie sociale qui ne soit pas affecté. En fait, l’internet a introduit des nouveaux modèles de communication sociale. Il est devenu un phénomène social. Il impact sur les droits humains, sur l’éducation, sur l’expression culturelle, sur la sécurité.
Tenant compte de ces enjeux, sa gouvernance requiert la participation, mieux la contribution de tous : les Etats, le secteur privé, la société civile et cela aussi bien au niveau local que régional et international.



Roméo Mbengou

L’impact de la sous-traitance technique de la gestion des noms de domaine

La gestion des noms de domaine au niveau africain est souvent confiée à des sociétés privées étrangères. Si cela s’explique par plusieurs raisons, il faut reconnaître que cela a des conséquences  et peut poser  quatre (4) problèmes fondamentaux : 
En premier lieu, cela a un impact sur la souveraineté numérique des Etats : en effet, il faut reconnaitre que le nom de domaine est avant tout une expression de souveraineté numérique nationale. Confier sa gestion à une société privée étrangère s’est donc s’exposer à l’éventualité d’un espionnage puisque toutes les données et informations même les plus secrètes peuvent être vues par l’extérieur.
En deuxième lieu, cela empêche le développement des compétences au niveau interne et local. En effet, si le nom de domaine est techniquement gère par une entité extérieure, il est difficile de donner l’occasion au niveau local pour que les gens se forment et donc soient capables de bien gérer techniquement les noms de domaine.
Troisièmement, cela rend difficile le développement  de l’écosystème national et le développement du contenu local. Car l’écosystème de l’internet, étant constitué d’un cadre légal et d’un environnement réglementaire, d’un modèle de gouvernance du ccTLD (country code top-level domain), de la connectivité internet ou back bonne national, d’un registre internet local, d’un point d’échange internet, d’une copie de serveurs ROOT (copie du serveur racine), d’une sécurité internet  et des ressources humaines de qualité, ne peut pas se développer si les noms de domaine sont gérés ailleurs par les sociétés étrangères.
Enfin, il peut se poser le problème dans la garantie de la cyber sécurité. En effet, la cyber-sécurité est une vraie préoccupation pour les Etats. Il se pose notamment le problème de l’interception des données, de l’atteinte à l’intégrité des données, de l’accès illégal, du sabotage etc. Pour éviter donc de s’exposer à tous ces problèmes, il est utile que les pays africains  apprennent à gérer eux- mêmes leurs noms de domaine. Certains, comme le Togo a entrepris depuis mars 2016 des démarches pour récupérer la gestion de son nom de domaine.

Roméo Mbengou