vendredi, mai 30, 2014

Une séropositive sur les cendres de l’entreprenariat

A Nkayi, dans le département de la Bouenza, une jeune fille mère séropositive, habitant Mwana Nto, un des quartiers de cette ville sucrière du Congo, est bénéficiaire d’un prêt d’une association pour mener une activité génératrice de revenu (AGR). Grâce à cet appui, elle gère aujourd’hui un moulin à foufou et bientôt celui du manioc...  

Recouverte de poussière de la farine du manioc de la tête jusqu’aux pieds, Tsimba a devant elle trois mamans

Un moulin à foufou fusionné à celui d'arachide d'une bénéficiaire à Nkayi


et deux enfants qui viennent pour écraser le foufou. Elle priorise les mamans et donne à chacune deux tonnelets pour morceler le foufou avant de démarrer la machine pour broyer le foufou. «Vite. Vite. Le temps passe. Je vais bientôt fermer le moulin… », fait savoir cette dernière aux clients. Même à 17 heures, il  y a toujours des clients qui viennent. D’après Tsimba, la gestionnaire du moulin à fou, il y a plus des clients le matin que les après-midi. Et à partir de 15 heures à 17h30, il y a l’afflux de clients. Elle est bénéficiaire pour la deuxième fois d’un prêt de la part de l’association AZUR Développement. Selon cette jeune fille mère, la vingtaine révolue, elle est bénéficiaire avec son mari d’un financement de 300.000 F cfa d’AZUR Développement. « Je rembourse sans problème ce qu’on me prête. C’est là où j’ai gagné la confiance de cette structure… », dit-elle.

Ce moulin à foufou existe il y a 2 ans de cela. Elle avait acheté le moteur et le réparateur lui a installé la machine à foufou. Au départ, elle vendait du charbon en détail et des divers devant sa parcelle. « J’ai commencé au départ à vendre le charbon de bois et des divers devant la parcelle. Je trouvais mon compte, mais une année et demi après, j’ai décidé de changer d’activité. C’est là où j’ai pensé me lancer dans un autre créneau notamment avoir le moulin à foufou. C’est désormais ma première activité», explique Tsimba. Selon cette bénéficiaire, elle avait complété un peu d’argent pour avoir cette machine à foufou. A côté de cette activité principale, elle vend toujours son charbon de bois. Cette jeune fille mère séropositive explique en ces termes « la machine à foufou est plus rentable. C’est mieux ici. Je réalise par jour les recettes de 3500 à 5000F CFA par jour, soit 60.000 et 65.000 F cfa par mois », se réjouit-elle.

 Sur les traces  de l’univers entrepreneurial
Cette séropositive est mère des trois enfants dont deux sont à l’école primaire. Elle les soutien grâce à cette activité. Elle est sur les traces de mettre sur pied une autre machine qui servira à pétrir du manioc afin de réduire le travail des femmes à Nkayi. « Après le moulin à foufou, j’ai mis une deuxième machine en marche, celle qui servira à écraser les arachides malheureusement, celle-ci était tombée en panne. Je l’ai donné en réparation depuis quelques mois. Actuellement, j’ai lancé une autre commande d’une machine qui permettra à pétrir le manioc. J’ai déjà tout payé mais c’est seulement le soudeur qui prend du temps sinon elle serait déjà opérationnelle », explique-t-elle. Son parcours suscite de l’admiration du côté des de la structure qui leur fait des prêts. Alida, la responsable aux recouvrements des activités génératrices de revenu (AGR) à l’association AZUR Développement, relate : « nous sommes fier de cette jeune fille qui ne cesse de progresser. Je crois que nous devons encore beaucoup la soutenir sur ce qu’elle fait avec son mari… »

Rembourser son prêt pour aider les autres
Pour ce qui est du remboursement, elle n’a pas des difficultés. Elle a déjà commencé à rembourser le capital puis, elle compte finaliser le remboursement de son prêt à la structure. D’après cette jeune fille mère séropositive de 03 enfants, quand on est bénéficiaire d’un financement, on doit être consciente de penser au remboursement du prêt pour que demain qu’on t’accorde un autre prêt. Elle remercie AZUR Développement pour ce soutien et souhaite que d’autres femmes infectées par le VIH/SIDA découvrent cette structure pour changer leur vie. De son côté, la responsable aux recouvrements de l’association AZUR Développement reconnaît que la plupart des bénéficiaires remboursent, même s’il y a certaines qui ont un peu de difficultés de rembourser dans le délai. « Jusque là, les activités génératrices de revenu marchent bien. C’est ce qui explique aujourd’hui que nous appuyons d’autres femmes chaque année. En 2013 par exemple, nous avons octroyé 28 AGR dans la Bouenza et six (06) dans la Cuvette centrale », martèle la responsable aux recouvrements des AGR.

Pour certaines femmes qui croisent encore les bras, cette dernière pense qu’une femme doit travailler. Une femme doit se battre et non restée seulement à la maison pour attendre tout de son époux. « J’interpelle les femmes oisives de chercher à faire n’importe quelle activité pour éviter d’être à la merci de tout homme… », conclut cette séropositive, mère de trois enfants.

Jean Thibaut Ngoyi

Les microcrédits, une voie pour redonner l’espoir aux femmes vulnérables

Dur, dur d’être veuve. A Nkayi, dans le département de la Bouenza, une veuve séropositive a retrouvé son espérance grâce à un prêt d’une association de femmes. Elle vend au marché. Malgré la maladie, cette dernière fait face à l’éducation de ses deux enfants et tient la route.  


Délaissée par sa belle famille, la veuve Victoire fait seule face désormais aux études de sa progéniture grâce à son activité de commerçante. «J’envoi chaque fin du mois une somme de 20.000 F CFA à mon son fils qui étudie à L’Université Marien Ngouabi. Ici à Nkayi, je loue une maison puis je m’occupe aussi de la scolarité de celui qui est au Lycée. Tout ça c’est seulement par mon activité de vendeuse au marché», avant d’ajouter « mon commerce a remplacé aujourd’hui mon mari ».

Une bénéficiaire d'AGR devant sa table de commerce au marché le village, à Nkayi


En dehors de la charge de ses deux enfants, cette veuve séropositive depuis près de 10 ans contribue également au niveau de sa famille quand il y a des problèmes. Selon cette veuve, elle donne ses cotisations quand il y a des problèmes des décès ou bien des maladies dans la famille. « Je vends des divers, l’huile et l’huile de palme au marché le village de Nkayi… Je réalise des recettes qui varient entre 15.000 et 20.000 F CFA par jour. Quand j’ai bien vendu, je peux atteindre 25.000 F CFA la journée », explique cette bénéficiaire, veuve de deux enfants. Pour certaines femmes qui la connaissent, elles la félicitent et avouent qu’elle est technicienne. Yvette, mère de quatre enfants, témoigne « je félicite ma collègue et je me demande comment elle parvienne à payer sa maison, à soutenir ses enfants rien que par son commerce… »

 Le respect des accords 
Bien que vendeuse au départ, mais elle a découvert AZUR Développement par l’intermédiaire d’une personne interposée qui lui a parlé de l’aide ou du soutien financier que cette organisation féminine accorde aux femmes vulnérables. « AZUR Développement a renforcé mon activité. J’ai au total bénéficié deux financements consécutivement de cette organisation, d’une valeur de 60.000 F CFA », avoue Victoire, une veuve séropositive.  

Elle gère deux comptes différents. D’une part, elle a un compte personne et de l’autre, elle gère le compte d’AZUR Développement (la créancière). Ces deux comptes sont gérés séparément. Pour elle, cette gestion lui permet de rembourser sans problème. Elle explique « je rembourse à temps et parfois même avant. Je gère à part tout ce j’achète avec l’argent d’AZUR Développement. Cela me permet d’avoir même déjà la moitié d’argent à rembourser au prochain mois

C’est une démarche qu’elle avait apprise pendant la formation sur la gestion financière d’une activité génératrice de revenu (AGR), initiée par ladite association avant d’octroyer les prêts aux bénéficiaires. Cette vendeuse en témoigne en ces termes « j’avais suivi une petite formation sur la gestion financière (comment gérer le cahier journal et comment épargner). C’est grâce à cette formation que je parvienne à bien faire ma comptabilité

Des entraves
Cette veuve séropositive connaît quelques difficultés dans son activité. D’après cette vendeuse, les choses ne marchent pas bien comme avant où elle pouvait vendre un bidon d’huile de 26 litres en trois jours. Là, c’est vraiment difficile de le faire. « D’habitude, l’argent circulait ici au marché mais ces derniers temps là, les choses ne marchent pas. Il n’y a plus des clients. Je ne sais pas s’il n’y a plus d’argent. En tout cas ça ne marche plus bien… », s’est plaint cette veuve, vendeuse depuis 1999 au marché le village de Nkayi.

En dépit de ses difficultés dont elle fait montre, l’initiative est salvatrice. Elle pense que ce n’est pas normal pour celle qui ne rembourse pas son prêt. « On devrait plutôt être consciente pour permettre à d’autres femmes d’en bénéficier aussi ses prêts. Car c’est la première organisation que je connaisse ici à Nkayi qui aide des femmes vulnérables », a-t-elle dit.

Jean Thibaut Ngoyi


Portrait : Clarisse, la locomotive de la famille


Vendeuse des yaourts hier et aujourd’hui, gestionnaire d’une alimentation couplée à une boucherie à Nkayi, dans le département de la Bouenza, Clarisse, séropositive de son état s’est lancée dans le mercantilisme pour tenter de sortir la tête hors de l’eau.

Une alimentation fusionnée à une boucherie d'une bénéciaire
À la coiffure naturelle comme une femme africaine, teint sombre, d’une taille d’environ 1,55 m, sourire aux lèvres…, Clarisse gère une alimentation couplée à une boucherie à Nkayi, dans le  quartier 10. Elle est séropositive depuis plus de 5 ans. « J’ai découvert AZUR Développement depuis 2009, voir 2010. Je ne faisais rien. Mais aujourd’hui avec leur aide financière que j’ai bénéficié, je puis dire que ma vie à changer. Je suis en liesse par rapport à ce que mon activité me génère comme fonds», explique avec pétulance cette bénéficiaire séropositive, mère d’un enfant.

On peut lire au dessus de la porte de son alimentation, peint en rouge –bleu, ‘’Ets Beni Saïra’’. Ce nom est significatif. Selon une voisine du quartier 10 rencontrée,  ‘’Béni Saïra’’ est un nom donné par ses amies à son fils parce qu’elle portait une grossesse qui avait beaucoup de complications et donc, à son accouchement, ses amies ont donné ce nom là au nouveau né. Dans le quartier, tout le monde aime acheter chez Clarisse. « Je vends des vivres, des yaourts, de cartes prépayées. J’ai une boucherie où vous pouvez trouver du poisson, du poulet, de viandes … Par mois, je peux réaliser un bénéfice de 45.000 F CFA», confie cette femme séropositive.

Cette bénéficiaire est beaucoup appréciée par la chargée aux recouvrements d’AZUR Développement. Clarisse en témoigne « c’est pour la troisième fois que je bénéficie les financements d’AZUR Développement. Le premier prêt était de 50.000 F CFA, le deuxième à 100.000 et le troisième à 100.000 F CFA », avant de poursuivre « ma situation sociale a véritablement changé. J’ai vendais des yaourts au départ. Aujourd’hui, je gère l’alimentation et la boucherie. C’est un progrès énorme pour moi.»

La clef du financement
C’est un record d’être financé par une organisation trois fois consécutivement. Selon cette bénéficiaire, cela se justifie par le fait qu’elle a gagné la confiance d’AZUR Développement, c’est-à-dire elle rembourse ses prêts sans problèmes et dans les délais. « Nous avons beaucoup de bénéficiaires qui remboursent dans les délais. Nous comptons beaucoup sur celles qui sont des modèles. Car celles-là sont prioritaires pour nos prochains financements. Donc, celle qui  respecte les accords, je me vois mal comment la structure ne va pas la financer la prochaine année. C’est donc le cas de Clarisse qui est une bénéficiaire consciente », a tambouriné Alida Badila, Assistante au projet VIH/SIDA à AZUR Développement Nkayi et chargée aux recouvrements des activités génératrices de revenu (AGR).

De son côté, Clarisse se dit que sa première préoccupation c’est d’abord le remboursement. Le délai de remboursement est de 9 mois et le pourcentage est de 10% sur le montant appuyé.

‘’Chef de famille’’
« Actuellement, je suis devenue comme le chef de famille. A chaque problème, je suis consultée, on vient me voir. Certaines de mes amies s’étonnent de moi et se demandent comment j’ai fait et quel est mon secret », nous a révélé cette séropositive. S’il y a encore d’autres femmes qui sont dans cette situation et qui sont passives, Clarisse pense qu’une « femme doit exploiter ses mains, chercher toujours à faire quelque chose pour que l’homme la respecte, la considère. Mais s’il faut attendre tout du mari, c’est vraiment difficile.»

Mais comment faire pour susciter un déclic pour celles qui sont encore oisives ?  Comme conseil,  cette bénéficiaire, mère d’un enfant propose à d’autres femmes de chercher à faire une activité. Cette séropositive de 39 ans pense que « pour les femmes qui ont le même statut que moi, je leur conseille de découvrir AZUR Développement afin de bénéficier cet avantage, cette perspicacité que je vienne d’avoir
Jean Thibaut Ngoyi



Les acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA tracent la feuille de route pour 2014

La lutte contre le VIH/SIDA demeure un combat au quotidien. Début 2014, Dans le département de la Bouenza (Nkayi), des professionnels de santé et communautaire se sont retrouvés en atelier. But : élaborer les nouvelles stratégies pour le plan d’action 2014 dans le cadre de l’élimination de la transmission de mère à l’enfant (eTME).

Abrité dans la ville sucrière du Congo (Nkayi) en février 2014, cet atelier de planification sur l’eTME a pour objectifs : réviser les leçons apprises et les bonnes pratiques du projet en 2013 ;

Le communautaire associé au personnel de santé 
définir une nouvelle stratégie de suivi des femmes enceintes séropositives, leurs partenaires et leurs enfants ; définir une nouvelle stratégie de sensibilisation et dépistage du VIH orientée vers le suivi des couples et des ménages ; recadrer les actions menées en 2014 par zone d’intervention. Pour le Dr Essaï Boutandou, médecin chef à l’hôpital de base de Mouyondzi, il pense que « c’est très important que nous regardons ce que nous sommes capables de faire en termes d’eTME et d’élaborer le plan d’action 2014. Tous les éléments que nous avons rassemblés ici à Nkayi sont des éléments indispensables pour l’élaboration du plan d’action », poursuit-il « ce que nous disons ici, c’est sur la base des constats que nous vivons sur le terrain …»

Au Congo, c’est AZUR Développement et l’Association Femme Plus du Congo (AFPC) qui bénéficient de l’appui technique du pôle technique du Hub de l’Alliance Internationale du Burkina Faso depuis 2012 et de l’appui de Positive Action Children Fund (PACF). Cette activité est une suite logique de l’atelier régional des Ong PACF organisé par le Hub en décembre 2013 à Brazzaville. A cette occasion, des nouveaux outils et connaissances sur l’eTME communautaire ont été mis à la disposition des ONG/Associations. D’où, il est indispensable d’évaluer les actions menées après une année de mise en œuvre du projet puis de dégager de nouvelles stratégies pour atteindre les objectifs du projet.

Céline Mayouma, sage femme au Centre de santé intégré (CSI) Ex- Suco, une participante à cet atelier de planification sur l’eTME s’est réjouit parce qu’elle a beaucoup apprise notamment comment identifier les forces et faiblesses puis élaborer les stratégies pour améliorer le travail. Au CSI Armée du Salut, la sage femme Joséphine Mpaka, reconnaît une fréquence importante des femmes enceintes. «Des femmes enceintes acceptent volontiers de faire le dépistage grâce à l’information-éducation et communication (l’IEC). Après le conseling, je les oriente au laboratoire tout en les rassurant que quand vous allez faire le bilan, le test est systématique », a dit cette matrone.

D’épineux problèmes
Nombreux problèmes rendent la prise en charge des femmes enceintes opaque. L’on note par exemple la formation et l’insuffisance du personnel de santé comme un réel problème. D’après un médecin participant à cet atelier de planification, la formation du personnel doit s’accompagner d’une dotation des outils notamment des réactifs, du médicament, des supports pour remplir des rapports. Ce sont des éléments nécessaires. De son côté, le  Dr Essaï Boutandou, médecin chef à l’hôpital de base de Mouyondzi explique : « nous faisons des réunions d’inclusion entre nous. En 2013 par exemple, la direction départementale de l’hôpital de base de Madingou a organisé des réunions au cours de laquelle nous avons parlé de l’état de santé de la population et du VIH/SIDA (des PVVIH, de la PTME et de l’eTME).»  

Pour Nathalie Mafoua, sage femme à l’hôpital de base de Madingou, elle ne fait plus le dépistage parce qu’elle est en rupture des réactifs. L’hôpital est aussi confronté aux problèmes de ruptures des anti-rétro-viraux (ARV). Affectée par cette situation, cette matrone témoigne : « je reçois des femmes enceintes chaque lundi. Le nombre s’élève entre 50 et 60 femmes enceintes par mois.» Au CSI Armée du Salut, le constat est le même. Selon la sage femme Joséphine Mpaka, leur CSI connaît des ruptures des tests il y a des mois de cela. Elle s’interroge comment rattraper les femmes qui ont été consultées et celles qui ont déjà accouché dans la mesure où d’autres femmes nous parviennent parfois à la fin du deuxième ou troisième semestre de consultation ?

Il faut dire que cet atelier de planification de la Bouenza du 20 février 2014 avait rassemblé médecins, sages femmes, l’UDLS, PNLS et les OSC pour dégager des nouvelles orientations en ce qui concerne le plan d’action 2014. Une démarche appréciée par des participants, dont on peut lire sur les visages des participants. « C’est une relation de partenariat. Vous savez que les Ong ne peuvent rien sans la présence de l’UDLS, CNLS, et du secteur santé. Le problème du VIH/SIDA est un problème multisectoriel. On ne peut pas le prendre tout seul sinon qu’on n’arriverait pas à trouver de solutions efficaces. Cela signifie qu’il y a une volonté de réduire la contamination du sida», a expliqué Blandine Sita, présidente de l’Association Femme Plus du Congo.


Jean Thibaut Ngoyi