dimanche, octobre 31, 2010

Des congolaises s’expriment sur le harcèlement sexuel sur internet

Des associations qui montent au créneau et dénoncent le harcèlement sexuel dont sont victimes les élèves. Des réfugiées de la République Démocratique du Congo qui font un sit-in devant le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) à Brazzaville dénonçant le harcèlement sexuel dont elles seraient victimes par le personnel de cet organisme des Nations Unies. « Nous sommes habituées à voir à la télévision des informations sur des filles violées » rapporte l’homme de la rue ; cependant parle t-on du harcèlement sexuel dans les média, si ce n’est des reportages sur des rapports publiés ?

Les média aujourd’hui ne se limitent plus à la presse écrite, la télévision et la radio ; l’internet est arrivé avec une cohorte d’outils interactifs. Des femmes journalistes aux militantes des droits des femmes s’emparent de la toile pour dénoncer le harcèlement sexuel en milieu professionnel. Ce billet fait une revue des différents points de vue publiés sur internet par des femmes congolaises sur le sujet.

Avant tout, pourquoi bloguer?

Le phénomène de blogage chez les femmes journalistes et les militantes des droits des femmes au Congo est récent et remonte à deux ou trois ans. Elles utilisent Facebook ou d’autres réseaux sociaux, et sont aussi attirées par le facteur « gratuité » d’hébergement qu’offre ces espaces. Des débutantes à la rédaction aux plumes engagées, les blogeuses congolaises sont soit autodidactes soient formées par des organisations de la société civile.

Arlette Bakou, Chargée de la coopération multilatérale au Ministère de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement qui maintient un blogue depuis 2009, nous révèle « cette idée m'est venue du fait que j'écris parfois des articles dans les journaux de la place et j'ai pensé qu'avoir mon blogue serait une expérience exaltante. Les sujets que j'aborde sont variés, je parle autant des problèmes des femmes, de l'urbanisme, de l'environnement et des faits de société ».

Elle poursuit « bloguer est aussi une forme de communication, je sais qu'il y a des gens qui ne suivent ni la télévision, ni la radio mais sont actifs sur le net. C'est cette catégorie que je cible, je pense aux jeunes qui ont besoin d'appréhender la vie sous d'autres facettes. Bloguer est aussi un moyen de participer au phénomène de la mondialisation d'autant plus que je reçois les courriers venant du Canada et d'autres extrémités de la terre juste par un clic ».

Que disent-elles du harcèlement sexuel sur le lieu de travail au Congo ?

De nombreuses militantes des droits des femmes ont reconnu le problème. Le harcèlement sexuel sur le lieu du travail existe. Dans un interview publié par le magazine Nzele , Micheline Ngoulou, présidente de l’Association congolaise de lutte contre les violences à l’égard des femmes (ACOLVF) explique que le harcèlement sexuel « peut être défini comme une conduite qui se manifeste par des gestes, des actes, des paroles de nature sexuelle répétée et non désirés par la personne qui en subite [...]. En d’autres termes, le harcèlement sexuel, c’est tout comportement qui consiste à rechercher les faveurs sexuelles à une personne en échange d’un service, d’un emploi ou d’un quelconque avantage ».

Pour Arlette Bakou relate sur son blogue : « le harcèlement sexuel se définit comme un acte violent lié à une agression sexuelle. Autrement dit, pour les jeunes filles, les autres formes de harcèlement associé au comportement, attouchements, propos indécents, sont considérés comme des formes bénignes de harcèlement ».

Micheline Ngoulou, Présidente, ajoute sur un billet de blogue « l'envoi des lettres à caractères sexuelles, des photos pornographiques qu'une personne envoie à une autre personne sans son consentement pour la contraindre à changer de comportement et adopter un comportement sexuel favorable pour l'agresseur. C'est une forme de pression, de violence que l'on exerce sur la victime ».

De quoi se plaint-on au juste ?

Quand on recherche les rapports sur le harcèlement sexuel, il y a davantage des articles ou des rapports de recherche sur le phénomène en milieu scolaire. Cependant, des témoignages de survivantes, découlant souvent des ateliers existent.

Les faits peuvent plus criards que l’on ne le pense et avoir une conséquence sur la vie professionnelle de la jeune femme ou la femme. En effet, Manhore De Bessi, Journaliste dans une chaîne de télévision privée, s’insurge à travers sur son blogue « cela remonte de plusieurs années que les femmes journalistes sont victimes de violences dans certains organes de presse de la ville de Pointe - noire. [...] Les hommes s’accaparent des sujets de rédaction du genre politique et économie [qui sont censés bien payer].

Une autre journaliste affirme que « chez nous au Congo plus particulièrement à Pointe- Noire, celles qui évoluent dans les chaînes de médias privées comme étatiques se plaignent du fait que le harcèlement sexuel est monnaie courante » peut-on lire sur le blogue de Victoire Bakanette .

Elle poursuit « lorsqu’un chef te fait la cour, en cas de refus de ta part, le boulot est menacé. Il te sort du tableau de programmation pour la présentation des journaux. Il donne des instructions fermes au coordonnateur qui le seconde de ne plus t’envoyer en reportage .En matière de radio et de télévision si vous ne pouvez pas présenter les journaux ni aller en reportage cela veut dire que vous ne servez à rien ».


Les conséquences sont graves pour les travailleuses. Comme le reconnaît, Micheline Ngoulou sur son blogue « le harcèlement sexuel sur le lieu du travail, pollue le milieu du travail qui nous le savons devrait être un milieu sain ; car le travailleur y passe beaucoup plus de son temps et ce qui fait que le milieu de travail devient malsain ».

Ce qui signifie en d’autres termes que « le harcèlement sexuel conduit aussi l'agresseur à mettre la victime au placard ; c'est à dire au garage. , le chef ne l'envoie plus, ne l'appelle plus, plus de mission plus d'avantages dans le cas la personne refuse de céder au chantage et aux faveurs sexuelles ».

A cela, il faut ajouter l’abus de l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC), en particulier le téléphone mobile qui est utilisé dans beaucoup de cas de harcèlements sexuels, la surveillance et le contrôle, comme le cite un rapport sur le sujet : « en 2007, les stations de télévision au Congo ont fourni des renseignements sur une femme qui a succombé à une battue de son mari suspectée d’avoir reçu un appel téléphonique dans la nuit. Elle a été accusée d'infidélité par son mari, qui a justifié ainsi son acte.

En outre, les rapports de force entre hommes et femmes se reflètent également dans les ressources nécessaires pour acheter des crédits de téléphones et cela détermine qui a le contrôle de cet outil TIC […] Certaines femmes se voient changer leurs cartes SIM plusieurs fois par an par leurs partenaires, qui souhaitent réduire le nombre d'appels suspects » publié pour le compte de l’Association pour le progrès des communications.

Qu’arrive t-il ensuite aux survivantes de harcèlement sexuel en milieu professionnel ?

Une journaliste, Antoinette Nzoumba citée par Mahonore De Bessi, reconnaît « j’ai été obligée démissionner car, je ne voyais plus mon rôle dans cette rédaction où j’arrivais du matin au soir sans faire quelque chose … ». Une autre citée dans le même billet de blogue reprend le même refrain « J’ai préféré abandonner le micro .J’ai changé de service, maintenant que je parle, je suis au service montage sans le vouloir…beuh !! C’est ça la vie ». La résignation, sans même agir, tenter de faire quelque chose peuvent constater désolément les lectrices.

Pour Arlette Bakou « la victime type du harcèlement est décrite comme une personne de caractère faible, fragile et timorée ». Elle ajoute en ce qui concerne le harcèlement sexuel à l’école que « les causes du harcèlement sont souvent attribuées au mode vestimentaire des filles. C’est ce style d’argument qui amène certains garçons à considérer le harcèlement que subissent les filles comme le juste châtiment ». Malheureusement, même en ce qui concerne le milieu professionnel, la femme est aussi pointée du doigt comme la première responsable. On recherche les causes sur le vestimentaire.


Au niveau des recours judiciaires, il est aussi difficile car le harcèlement sexuel n’est pas explicitement déclare comme tel dans les textes.

Comme on peut le lire dans un article de Maître E. Fatima Banzani-Mollet, Avocate à la Cour d’Appel de Brazzaville, publié par l’Association Mibeko sur son site internet : « malgré le fait que la question des violences à l'égard des femmes fasse l'objet d'un programme d'action spécifique du Ministère de la promotion de la femme et de l'intégration de la femme au développement, force est de constater que l'état de la législation nationale en vue de la répression du harcèlement sexuel n'a guère évolué. En effet, jusqu'à ce jour on reste toujours dans l'attente d'une législation sanctionnant le harcèlement sexuel ».

Cependant, est-ce une raison pour se résigner et croiser les bras?

Pour Victoire Bakanette, il faudrait créer des groupes de soutien aux filles et femmes survivantes de violence. Elle explique son idée « Elie vient d'intégrer un club des femmes journalistes pour lutter contre ces violences faites à leur l'égard sous plusieurs formes. Le club des femmes journalistes a pour objectif de sensibiliser, d'éduquer les femmes à prendre leur engagement en ayant la maîtrise de leurs droits ».

Mahnore De Bessi, déjà chevronnée dans le blogage, appelle par ailleurs ses collègues à « utiliser leur profession comme outil pour lutter contre ces violences mais aussi se rapproprier les technologies de l'information et de la communication (TIC) comme arme essentielle et efficace de lutter contre les violences ».

Elle insiste que « la femme journaliste est une femme comme toute autre, mais seulement, elle possède un moyen sûr pour dénoncer tout ce que la femme subit en milieu professionnel et pourquoi pas d’autres milieux ». Elle propose de «créer des émissions pour faire connaître aux femmes leurs droits d’abord, ensuite les différentes formes de violences qui existent et ce qu’il faut faire en cas de violence serait le cheval de bataille des femmes de micro ».

Cependant, malgré ces bonnes initiatives, des points de réflexion demeurent, comme se questionne Micheline Ngoulou « et pourtant les femmes étudient de la même manière, dans les mêmes conditions que les hommes, elles reçoivent le même enseignement ; elles ont les mêmes diplômes que les hommes et sont parfois plus intelligentes et que les hommes alors pourquoi le harcèlement sexuel ? […]
Réfléchissons à cela et contribuons par le plaidoyer et la sensibilisation afin que ça soit nommé et qualifié dans les législations nationales en Afrique car beaucoup de femmes en subissent ».

Sylvie Niombo