La gouvernance de l’Internet, dont la difficulté majeure réside dans l’atteinte de consensus entre toutes les parties prenantes (gouvernement, secteur privé et société civile) qui doivent participer à l’ensemble des processus décisionnels concernant l’Internet, est donc devenu un enjeu stratégique pour le monde entier.
L’ONU s’est alors saisi de cette question, en mettant en place depuis 2003 , des sommets mondiaux de la société de l'information (SMSI), sur le thème de la gouvernance d’Internet dont le premier sommet eût lieu à Genève en décembre 2003.
Pour aller plus loin, L’ ONU a créé a cet effet (conformément au mandat qui lui a été confié au cours de la première phase du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), qui s’est déroulée à Genève en 2003 ), un groupe international pour traiter de la question : le Groupe de Travail sur la Gouvernance de l’Internet (GTGI, en anglais WGIG ), composé de 40 membres venant de plusieurs pays et de différents groupes d’intérêt (gouvernements, secteur privé, ¬université, organisations de la société civile)
Les sujets abordés sont allés de la définition à la distribution de noms de domaine et d’adresses IP, aux coûts de connexion entre pays, au droit d’accès à l’infrastructure et aux informations, à la liberté d’expression, la sécurité et l’utilisation appropriée d’ Internet, etc.
Quelques pays ont proposé au sein de l’ ONU, l’idée que la gouvernance d’ Internet devrait être remise à l’UIT/ITU (Union internationale des Télécommunications), un organisme de l’ONU, où plus de 180 gouvernements et environ 650 entreprises de télécommunications sont représentés, mais qui ne se caractérise pas par la démocratie, la transparence et le pluralisme.
Lors du premier sommet à Genève en 2003, une Déclaration de principes intitulée « Construire la société de l’information : un défi mondial pour le nouveau millénaire », fut adoptée. Cette déclaration souligna que « l’Internet est devenu une ressource publique mondiale... (Sa) gestion internationale devrait s’exercer de façon multilatérale, transparente et démocratique, avec la pleine participation des Etats, du secteur privé, de la société civile et des organisations internationales. Elle devrait assurer une répartition équitable des ressources, faciliter l’accès de tous et garantir le fonctionnement stable et sécurisé de l’Internet, dans le respect du multilinguisme ».
Depuis ce sommet de Genève en 2003, les débats sur le sujet ont vu émerger des divergences avec certains pays du Nord. L’Afrique a compris les enjeux qui en découlent, et la plupart des Etats du continent ont envoyé leurs représentants, pour défendre une position dont le Ghana assure la coordination.
Les discussions s’articulèrent autour de plusieurs points qui vont de la participation des Etats à la gouvernance de l’Internet au rôle du secrétariat général des Nations Unies dans le processus, en passant par l’accès pour tous à l’Internet, au multilinguisme des contenus, à la stabilité et la sécurité de l’Internet, etc. Plusieurs pays réclamèrent la mise en place d'une structure internationale type ONU pour contrôler la toile, d'autres - les États-Unis en tête – y ont font valoir que cela reviendrait à accorder un pouvoir sur le net à des États fort peu démocratiques.
Néanmoins, un quasi-consensus s’est néanmoins dégagé lors de ce sommet, autour d’un refus du pouvoir monopolistique des Etats-Unis exercé à travers le complexe « ICANN.
Un second sommet mondial de la société de l'information (SMSI) à eu lieu à Tunis en 2005. Le bilan en fut également contrasté : les questions de liberté d'expression en Tunisie et de gouvernance de l'internet ont occulté la plupart des autres débats et projets, consacrés en majeure partie à la réduction de la fracture numérique entre pays riches et pays en voie de développement. Le principal temps fort du sommet a été la présentation d'un prototype d'ordinateur portable à 100 dollars, conçu par les chercheurs du MIT (Massachussets Institute of Technology). Son ambition étant de permettre à chaque enfant dans le monde de disposer d'un portable, surtout dans les pays pauvres.
Mais le principal problème reste que la gestion technique de l'internet et du système des noms de domaine restent entre les mains de l'Icann, l'organisme international privé américain.
Lors de ce sommet à Tunis, à été négociée la création d'un forum international pour la gouvernance d'internet (IGF), qui s’est déroulé à Athènes en 2006. Revendiquée comme une victoire de la société civile, la création de l'IGF a surtout offert une porte de sortie au Sommet de Tunis qui avait échoué à lever le contrôle américain sur les ressources-clés de l'Internet (l'allocation d'adresses et le management du système des noms de domaine restent du ressort exclusif de l'IANA et de l'ICANN suite au renouvellement des accords avec le Department of Commerce intervenus en mai et août 2006).[1]
Malheureusement, ce forum international pour la gouvernance d'internet n’a aucun mandat décisionnel. Ce forum de la Gouvernance Internet étant une réunion organisée dans différents pays, avec la participation des gouvernements, du secteur privé et de la société civile.
Principal sujet abordé au cours de ce sommet: les éternels reproches faits aux Etats-Unis pour leur mainmise sur la gestion technique de l'internet via l'Icann, l'organisme de régulation de l'internet.
A l'issue du sommet d’Athènes, les participants se sont donc séparés sur des engagements de bonne volonté et quelques inquiétudes, mais sans décision concrète.
Depuis la réunion d’Athènes en octobre 2006 du Forum sur la Gouvernance de l’internet, l’objectif reste de poser les bases d’un système qui fait dialoguer deux cultures : « la culture des entités non gouvernementales qui se servent de l’Internet et ont pour tradition de prendre leurs décisions de manière informelle, de la base vers le sommet; et celle, plus formelle et structurée, des gouvernements et des organisations intergouvernementales ».En sachant que des groupes sociaux hétérogènes constitutifs de ce que le système onusien appelle « la société civile » revendiquent une responsabilité dans la régulation de l’internet mondial et, exigent des instances internationales et de leurs gouvernements, de participer à une co-régulation et demandent des dispositifs démocratiques.
Depuis, doté d’un mandat qui vient d’être renouvelé, l’ONU par la voie du Groupe consultatif du Forum sur la gouvernance de l’Internet est désormais en mesure de mettre en place la prochaine réunion du Forum, prévue à Rio de Janeiro, du 12 au 15 novembre 2007. Depuis mai 2007, les participants poursuivent les discussions qu’ils ont entamées en novembre 2006 à Athènes, sur l’accès, la diversité, l’ouverture et la sécurité de l’Internet.
De son coté, l'Union européenne est montée au créneau. Elle a officiellement remis en cause la suprématie des Etats-Unis sur la régulation technique d'Internet. Dans l'acception européenne, la gouvernance de l'Internet est plus large que celle des Etats-Unis puisqu'elle inclut la gestion du DNS (Domain Name Server), mais aussi la lutte contre le spam ou la cybercriminalité dans son ensemble.
Selon Bernard Benhamou, maître de conférence à Sciences Po , pour la société de l'information à l’Institut d’études politiques de Paris et chargé d'enseignement à l'Université de Paris I panthéon-Sorbonne, et, fervent défenseur de la neutralité de réseaux :
« La mainmise actuelle des États-Unis sur les infrastructures critiques de l'Internet constitue un sujet important pour l'Europe. En effet, la maîtrise de ces infrastructures en plus des questions de souveraineté qu’elle soulève, pourrait constituer un levier essentiel pour favoriser les entreprises américaines et à terme limiter le développement du secteur européen des technologies de l’Internet. Il n'est plus pensable que le contrôle de ces ressources soit confié à un pays (les Etats-Unis) ou à un acteur privé (l’ICANN). Il ne serait pas souhaitable, pour autant, de le confier à un organisme international technique ou à une organisation intergouvernementale classique. En effet, des arbitrages complexes entre acteurs sociétaux, acteurs économiques et Etats sont nécessaires lorsqu’il est question de l’internet. Les problèmes aigus de libertés sur internet dans des pays comme la Chine, la Tunisie ou la Syrie illustrent l'impossibilité de confier la gestion aux seuls états. Mais les dangers d'un abus de pouvoir sur le marché ou abus d'appropriation font également redouter une emprise excessive d'acteurs privés. Quant aux acteurs associatifs, ils n'ont pas forcément les mêmes priorités entre eux. »
En conclusion, la société de l’information se met en place chaque jour davantage, mais les modes de sa gouvernance sont encore, pour la plupart, à inventer. Les pays francophones ne peuvent être absents de cette révolution qui doit être plurielle, transparente et démocratique. Avoir une identité numérique dans la société de l’information permet de ne pas être confiné dans l’exclusion, et, de pouvoir interférer dans les choix de cette société donne la possibilité d’affirmer son existence. Reste que le gouvernement américain a réaffirmé sa position. S'il a récemment assoupli le contrôle qu'il impose à l'Icann, il refuse ainsi toujours une plus grande internationalisation de la gestion de l'internet.
A. B
http://www.intgovforum.org/
http://www.intgovforum.org/Feb_igf_meeting/Synthesis.Paper.Feb.2007.rtf
mercredi, octobre 17, 2007
Comment assurer une gouvernance mondiale de l'Internet
Publié par Roméo Mbengou à 1:26 PM
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